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X 3 - Prof, "job à la con" ou "héros" ?

Je suis re-tombée récemment sur un article traitant des désormais célèbres "bullshit jobs". Il s'agit de la traduction du court essai de David Graeber, professeur d'anthropologie (bullshit job ?) qui est à l'origine du concept. Il y parle, entre autre, d'un curieux paradoxe concernant, par exemple, les enseignants : "le fait que ces travailleurs [les cheminots] peuvent paralyser le métro, montre que leur travail est nécessaire, mais cela semble être précisément ce qui embête les gens. C’est encore plus clair aux Etats Unis, où les Républicains ont réussi à mobiliser les gens contre les professeurs d’école ou les travailleurs de l’industrie automobile [...] pour leurs payes et avantages mirifiques. C’est un peu comme si ils disaient “mais vous pouvez apprendre aux enfants! ou fabriquer des voitures! c’est vous qui avez les vrais emplois! et en plus de ça vous avez le toupet de demander une retraite et la sécu?”


Un rapide rappel. Un "job à la con" (ou "bullshit job" en anglais) est un travail qui... ne sert à rien, qui ne produit rien d'intéressant, dont la collectivité pourrait se passer facilement et même assez souvent avec grand profit. Et ils sont légion ! Globalement, la majeur partie des jobs créés par le tertiaire et la bureucratisation galopante en sont. Ce qui ne veux pas dire que ce soit des jobs mal payés, au contraire. David Graeber estime d'ailleurs que plus on monte dans la hiérarchie, plus on trouve de "jobs à la con" dont le but est de remplir des feuilles excell ou de soit disant organiser le travail des autres. Le pire de l'affaire étant que le salarié sait assez souvent que son job, pour tout ou partie, ne sert strictement à rien, ce qui engendre souffrance, perte de sens et d'estime de soi.


Il est encore, et heureusement, des jobs utiles. Maçons, cordonnier, couturier, assitants sociaux, éducateurs, artistes (si, si, avouez qu'un monde sans chanteur, sans écrivain, sans scupteur serait un monde bien moins intéressant), écrivains pulics, médecins, infirmièrs, et... enseignants (liste non limitative). Mais, étrangement, ce sont assez souvent des jobs mal concidérés et mal payés (médecin étant une exception, quoique relative si on en croit certains praticiens du secteur 1 condamnés à des agendas débordants pour joindre les deux bouts).


Concernant les enseignants, la situation est assez rocambolesque pour qu'on s'y intéresse. Cet article m'a donné à penser et à voir sous l'angle de la bullshitisation un métier que je commence à connaître.


Tout le monde s'accorde à dire que les profs sont indispensables. Ah ! Ah ! J'en vois pourtant d'ici qui font la moue ! Disons que chacun s'accorde à dire qu'éduquer et instruire la jeunesse est une mission indispensable à une société. Pour autant, les enseignants, déjà notoirement mal payés (en toute logique selon la théorie des "jobs à la con") sont en permanence suspects d'inutilité, voire d'être nuisibles. Ils sont toujours en vacances, en grêve ou malade. Ils sont incompétents et ne savent pas intéresser les têtes blondes et brunes. Ils sont rendus responsables de l'échec scolaire -- mais on leur déni toute responsabilité dans la réussite des autres -- , de la violence scolaire et sociale -- oui, sinon qui ? -- de la mauvaise formation des jeunes -- n'est-ce pas à l'école et donc aux enseignants de livrer des salariés parfaitement opérationnels ?


L'enseignant est donc mis dans une situation psychologique bien tendue : à la fois irresponsable et coupable. Aux attentes énormes il ne peut répondre que par des moyens jugés bien faibles dans le meilleur des cas, par son incompétence notoire et sa mauvaise volonté tout aussi patente dans le pire. Il remplie une mission indispensable d'une façon honteuse, en lorgnant sur son découvert dès le 15 du mois (enfin, pour moi c'était le 7 ce mois-ci, mais j'ai le mauvais goût de vivre seule dans une ville hyper chère).


Mais au moins, pourra dire le web-marketeur en plein bore-out, le prof peut se venter de faire oeuvre utile. Certes, il est mal payé, il est conspué, mais au fond du fond il y a bien, derrière tout cela, une grande mission : élever la jeunesse vers ce qu'elle a de meilleur. Peut-être qu'en se sortant les doigts du luc (le web-marketer estime que les profs se la coulent douce, comparé à lui qui est au forfait et s'ennuie dans son bureau de la Défense de 10h00 à 19h30) et avec un peu d'abnégation la situation deviendra supportable, voire enviable.


C'est sans compter ce que j'appellerais la "job à la connerisation" rampante de toute activité utile, prof y compris. Car les penseurs de la "bullshit attitude" sont partout et dans une recherche toujours plus grande de rationnalisation illusoire (et de justification de leur salaire souvent bien plus mirobolant que celui d'un prof lambda) les voilà qui ont inventé les listes de compétences à cocher, les fiches et les dossiers à compléter, à assortir de trucs et de machins, le tout accessoirisé des célèbres réunions àlak et des formations au nouveau (nouvelles technologies, nouveaux programmes, nouvelles réformes, etc...).

Le prof qui veux se consacrer au coeur de son métier, c'est à dire à l'enseignement, aux élèves, à la didactique et à la pédagogie, est vite rattrapé par la montagne de "tâches à la con" qu'on lui intime l'ordre de se coltiner. Il sera d'ailleurs largement évalué là-dessus lors de la fameuse inspection, outil fabuleux d'infantilisation.


Nous voilà donc avec un job indispensable à une société, exercé par des inutiles que l'on cherche à rendre plus opérants grâce aux plus belles techniques de démobilisation dont l'humain a parfois le secret.


Résultat pour l'enseignant, une perte de sens de son activité, un sentiment de culpabilité et d'impuissance galopants, et au final une dévalorisation de ses capacités et compétences qui lui font dire "mais je ne sais rien faire... d'autre".


Tsss, tsss, tsss... Et si vous vous laissiez la chance de voir les choses autrement ? De ne pas vous laisser manipuler par les "bullshitters" ? Et si vous veniez au stage En chacun de vous un héros qui a lieu les 21 et 22 mai prochain ?





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La narrative va progressivement être limitée à mes activités d'auteur. A partir de janvier, publication en feuilleton du roman Le mystère de l’hippocampe, roman érotique mais pas que !

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