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Perec et le coach


Quel lien y-a-t-il entre un écrivain des années 70 et le coaching ? Et avec le métro ? Cela pourrait devenir une contrainte d'écriture.


Georges Perec est un auteur qui a beaucoup produit dans les années 70. Membre de l'OuLIPO et donc adepte de la littérature sous contraintes, il est un classique des ateliers d'écriture. Pas forcément des miens, au demeurant, mais je le dépoussière régulièrement quand je m'embarque dans le ludique. Ce fût le cas lors de l'atelier d'écriture découverte qui a eu lieu le mois dernier.


Dans Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, Perec écrit un "roman" en s'installant plusieurs jours d'affilés Place Saint Sulpice. Il fait simplement l'inventaire de ce qui se passe : les gens, les bus, le soir qui tombe, le vent qui balaye les feuilles, quelqu'un qui commande un café, etc... "Tout un roman ?" s'est étonné un participant. Sur les deux pages proposées lors de l'atelier cela lui semblait encore amusant, mais sur deux cent le jeu ne lui semblait plus valoir la chandelle. Et pourtant...


J'en entends parmi vous qui s'interrogent. "Elle veux en venir où ? Et le coach ? Et le métro ?" Justement, j'y viens.


Quelque jours plus tard, j'étais dans le métro (ah ! Je vous avais dit que j'y venais !) avec L'infra-ordinaire, autre recueil de Perec. Le premier texte s'intitule La rue Vilin (1) et c'est la description sobre, apparemment froide, d'une rue parisienne -- la rue Vilin, donc, dans le quartier de Belleville --, à plusieurs dates, de 1969 à 1975.

Ce qui donne, dans les passages les plus spartiates : "Au 9, Restaurant-Bar Marcel. Au 6, Plombier Sanitaire. Au 6, Coiffeur Soprani. Au 9 et 11, deux boutiques fermées." and so on. Rien ne se passe, sinon l'inventaire cyclique d'une rue "en devenir", comme disent les urbanistes. Mon esprit était captif des mots qui ne déboucheraient sur aucune action, je le savais, sur un inventaire qui n'avait d'autre but que lui-même. Comme un mantra qui, tournant en boucle, a le don de calmer votre esprit trop souvent cavaleur pour finalement vous ramener à l'essentiel : ce que l'on nomme, souvent d'un ton pompeux, "le moment présent". Je vivais, à cet instant, la même expérience que lorsque je médite. On se croit très modernes avec nos applis petitbambou (je l'utilise et je l'aime beaucoup, ne voyez donc pas de critique dans mes mots) ou en allant à des conférences de Christophe André. Mais c'est vieux comme le monde, et Perec a inventé nombre de petites machines à instants présents.


"Bon, et le coach alors, elle en a fait quoi ?" Je vous entends !


Pour ceux qui ne le savent pas encore (pas d'inquiétude, vous êtes surement nombreux à ne pas le savoir encore), je me forme depuis trois ans à la psychosynthèse et je propose des séances de coaching utilisant cette méthode (c'est un peu plus qu'une méthode, au demeurant, mais je fais court).

Nous sommes tous plus ou moins perdus. Perdus dans un monde complexe et verbeux (et c'est moi qui le dit...), un monde construit par nos filtres et nos peurs, un monde cérébral, que l'on croit réel parce qu'on a mis des mots compliqués dessus. Pour tout dire, une bonne partie du taf d'un coach (enfin, selon l'idée que je m'en fais, il y aura tout un tas de gens pour dire autre chose) consiste a ramener les gens à eux, dans l'ici et le maintenant. Parce que la vie et les vrais problèmes sont cachés derrière l'idée que l'on s'en fait et les concepts que l'on a créé, tel un magicien dépassés par son art. Tout le défi est de ramener la personne (et soi-même d'ailleurs, c'est une tâche toujours à recommencer) à son intériorité, à son désir profond, à ses sensations et au monde tel qu'il est, pas tel qu'elle se le représente et en parle. Parce que le discours n'est que discours, et qu'il ne dit rien de l'essentiel.


C'est exactement ce que Perec voulait faire. Il s'en explique dans l'introduction de L'infra-ordinaire : "Interroger l'habituel. Mais justement, nous y sommes habitués. Nous ne l'interrogeons pas, il ne nous interroge pas, il semble ne pas faire problème, nous le vivons sans y penser, comme s'il ne véhiculait ni question ni réponse, comme s'il n'était porteur d'aucune information. Ce n'est même plus du conditionnement, c'est de l'anesthésie. Nous dormons notre vie d'un sommeil sans rêves. Mais où est-elle, notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ?

Comment parler de ces " choses communes ", comment les traquer plutôt, comment les débusquer, les arracher à la gangue dans laquelle elles restent engluées, comment leur donner un sens, une langue : qu'elles parlent enfin de ce qui est, de ce que nous sommes."



(1) Dans L'Infra-ordinaire, il y a aussi les Deux cent quarante-trois cartes postales en couleurs véritables, que nous avons détourné lors du Dînécriture du 12 juillet. Pérec érotique, et même porno, c'est possible, bien sûr !


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La Narrative

La narrative va progressivement être limitée à mes activités d'auteur. A partir de janvier, publication en feuilleton du roman Le mystère de l’hippocampe, roman érotique mais pas que !

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