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Avec Kairos, mettez de l'infini dans votre vie

  • Marion Favry
  • 11 sept. 2016
  • 4 min de lecture

La rentrée de septembre semble être le mois de Chronos par excellence.

Je ne compte plus les personnes qui me disent être débordées, sous l'eau, et qu'elles penseront à ceci ou à cela "après la rentrée" (c'est quand, d'ailleurs, "après la rentrée" ? Il y a une date de fixée ?). Pas assez de temps, tout le monde court et s'agite. Vers quoi ? J'avoue que je l'ignore, et peut-être bien que tout le monde l'ignore. C'est un rituel, comme les fêtes de fin d'année. Moi-même, ces dernières semaines, j'ai parfois la sensation d'être dévorée par les grandes dents de Chronos. Tout ça est contagieux.


Heureusement, j'ai une arme secrète, un allié de poids.


Vous connaissez Chronos, ce dieu du temps qui dévore ses enfants (donc nous). C'est le dieu des 24h00 dans une journée, du mois de septembre qui revient tous les douze mois, celui qui nous attend en bout de course avec ses quatre planches qui sentent le sapin. Totalement flippant, Chronos, bien que très rémunérateur pour nombre d'intervenants payés pour vous apprendre à gérer votre temps et à en faire toujours plus. Lisez la suite, vous allez faire des économies.


Car les grecs avaient tout prévu et ils ont eu l'intelligence de s'inventer plusieurs dieux. Quand un était décevant, ils pouvaient compter sur les autres.


Kairos est donc l'autre dieu du temps chez les grecs. C'est un petit dieu ailé, pourvu d'une balance posée sur le fil d'un rasoir, avec sur la tête une touffe de cheveux ébouriffée pour qu'on puisse l'attraper par le toupet quand il passe à proximité et qu'on a eu la chance de le voir. Il est le dieu de l'opportunité qu'il faut saisir.

Là où Chronos vous décompte les minutes, Kairos vous octroie un temps immense, ou plutôt plein de profondeur, ce n'est plus le temps qui vous est compté, mais c'est le temps qui compte, ce n'est plus le temps de la montre, c'est le temps ressenti.


Vous avez tous connu de ces minutes qui transforment votre monde bien plus que des années, de ces instants dont on dit qu'il y a un avant et un après. Par exemple, j'utilise la notion de Kairos dans les ateliers d'écriture en remplacement de la notion de climax, que je n'aime pas pour tout un tas de raisons.


Mais Kairos ne passe pas seulement pour les grandes occasions. Au quotidien, il y a toujours le bon moment pour faire les choses, où tout va se faire sans effort ou presque, où la décision à prendre va apparaître comme par magie, où on va tout à coup arriver à écrire ce putain d'article de blog alors qu'on se tracasse avec depuis des jours, et ce n'est pas en cochant sa to do list fébrilement que l'on va voir passer le furtif Kairos (car il est furtif) et tendre la main pour s'en saisir, bien au contraire.


Kairos est même là pour des actes aussi futiles (si on considère l'art comme futile) que presser sur un déclencheur d'appareil photo. Barthes parle du "Kairos du désir", cet instant précis où la photo est à prendre. Avant et après, c'est une photo de merde, mais à cet instant pile, c'est LA photo qu'il fallait faire.


J'aime vivre sous le règne de Kairos. Parce qu'alors mes journées ne font plus 24h00, elle sont immenses, ou plutôt profondes. Au lieu de glisser sur la surface de ma vie à toute vitesse pour satisfaire Chronos qui ricane, je m'installe dans l'épaisseur du temps.


Quand quelque chose ne se fait pas, je laisse tomber, je me consacre à autre chose qui m'appelle. Je sais que Kairos passera et que la seule urgence pour moi c'est de me mettre à l'écoute, en état de disponibilité, pour le voir passer. Ce n'est pas toujours super confortable, mais j'apprends petit à petit à faire taire l'angoisse du temps Chronos qui urge toujours.

Et alors, un autre phénomène se produit. A vivre autant que possible chaque instant en état d'écoute (je crois bien qu'on appelle ça "vivre l'instant présent", mais l'expression est monstrueusement galvaudée et ne représente souvent qu'un concept vide, et une incitation à acheter quelques livres et participer à quelques stages de gourous), à faire les choses quand il est l'heure et pas avant -- et donc à s'y consacrer pleinement et avec bien plus d'aisance et d'enthousiasme que si on avait juste cherché à en mettre plein sa face à sa to do list -- chaque instant prend une épaisseur incroyable, chaque instant est un moment fort, un moment Kairos.


Résultat ? Non seulement je ressens un sentiment de plénitude qui m'est inconnu quand je reste dans l'univers de Chronos mais en plus ma journée est loooooooogue. Mais merveilleusement longue. Le soir, je repasse ma journée dans ma tête et ce que j'ai fait le matin, ou l'heure d'avant, me semble très lointain. Parce que j'ai vécu tout un tas d'événements depuis (même quand je n'ai pas foutu grand chose, concrètement). Je les ai vécus vraiment, c'est à dire ressentis profondément, je suis passée par un nombre étonnant de sensations, d'émotions, d'états d'âme. J'ai alors l'impression ravissante que la personne qui se couche le soir est bien différente de celle qui s'est levée le matin. Elle est plus riche d'un temps infini. Le temps me construit au lieu de me détruire.


Peut-être, alors, que ma sensation d'éternité est gouvernée par le troisième dieu du temps grec (quand je vous disais que les grecs étaient plein de ressources !) : Aiôn le dieu de l'instant pur, le dieu de l'éternel instant, immesurable. Mais je connais mal encore ce dieu là pour être affirmative.


Alors, cette to do list ? Vous la foutez à la poubelle ou vous continuez d'être boulotté par Chronos ?




 
 
 
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